Développer une stratégie gagnante en Formule 1 de nos jours ne se résume pas à la conduite agressive du pilote. L'équipe derrière chaque pilote travaille jour et nuit pour déterminer la stratégie la plus rapide et la mettre en œuvre. C'est toujours important, mais sur un circuit comme Monaco, cela doit être encore plus impeccable que sur d'autres pistes. La victoire de Charles Leclerc dimanche dernier lors du Grand Prix de Monaco est partiellement due à cette raison, grâce à un pilote impeccable et à une exécution millimétrée de toute l'équipe.
Lorsque nous parlons de l'équipe, nous ne nous limitons pas aux "noms familiers", tels que le nouveau chef ingénieur de course de Leclerc, Bryan Bozzi, ou aux divers ingénieurs dans le garage qui travaillent directement sur les performances de la SF24, mais plutôt à un groupe normalement invisible sur la piste. Ils sont si invisibles pendant le week-end car ils ne sont pas présents du tout. Ils travaillent dans le soi-disant 'Garage à Distance' à Maranello.
Une vingtaine d'ingénieurs ont ici la tâche de calculer minute par minute la meilleure stratégie, basée sur l'évolution de la course, les performances et les variations de la concurrence, ainsi que celles de leurs propres voitures. Ils le font en observant très attentivement ce que font eux-mêmes et les autres, à la fois sur et en dehors de la piste, et en faisant des suggestions en fonction de cela aux pilotes.
Une opération militaire. Vingt ingénieurs pour surveiller vingt pilotes. Il est très tentant de faire une telle association, mais en réalité ce n'est pas le cas. Si nous analysons leur travail, il apparaît clairement qu'ils ne se limitent pas à jouer les contrôleurs de trafic, surveillant la position exacte de chaque concurrent sur la piste grâce au GPS et aux images embarquées.
Ces vingt esprits brillants travaillent principalement à analyser les données de télémétrie et les temps intermédiaires dans les 'micro secteurs', dans lesquels la piste est divisée. Chaque micro secteur mesure environ quatre-vingt-dix mètres de long et donne une bonne image de la vitesse à laquelle on conduit à ce moment-là. Cela permet aux ingénieurs de faire un bon calcul de ce que leurs propres pilotes doivent faire pour créer ou maintenir un écart stable. Cela leur permet également de déterminer quel rythme est approprié pour garantir une longue durée de vie des pneus.
Le GP de Monaco avait la particularité que l'ensemble de la grille a changé de pneus pendant le drapeau rouge. De cette manière, tout le monde avait déjà respecté la réglementation des pneus et il était possible de terminer la course si nécessaire. Cela semblait impossible auparavant, mais le 'Garage à Distance' avait déjà pensé à une solution à cela.
Ils avaient en fait déjà calculé qu'il était possible de réduire l'usure des pneus durs en baissant drastiquement le rythme. Bien sûr, cela n'était possible que parce que le circuit de Monaco ne se prête pas vraiment aux dépassements. Pour garder les pneus jusqu'au 78e tour, un rythme de course environ quatre secondes plus lent que la normale était conseillé.
Cela signifiait pour Leclerc, ainsi que pour Sainz, de maintenir un rythme constant, suivant les instructions du stand, avec les calculs provenant du 'Garage à Distance'. L'exécution précise des pilotes a permis à la fois à Oscar Piastri et à Lando Norris de se rapprocher, sans jamais avoir suffisamment de vitesse pour une attaque réussie.
Les ingénieurs du 'Garage à Distance' à Maranello appliquent des techniques statistiques heuristiques pour évaluer, virage par virage, la probabilité et le danger d'une attaque des rivaux, et indiquer le rythme précis à suivre dans chaque micro secteur pour la contrecarrer.
C'est presque une opération militaire, exigeant du pilote de maintenir la même sérénité et concentration qu'un NAVY Seal en mission en territoire ennemi. Quelque chose qui, outre les raisons émotionnelles, justifie sans aucun doute le cri de soulagement de Leclerc à l'arrivée. Mission accomplie pour ceux sur la piste ainsi que pour ceux à l'usine.